Il nous arrive tous les jours de passer devant une haie de cupressocyparis
Leylandii, très épaisse, taillée à la hache et telle très étanche! C'était (et c'est encore) le reflet de l'esprit des années à partir de soixante, quand la vogue de la maison individuelle, son
besoin aussi, ont permis au métier de "pépiniériste-paysagiste" de s'inventer en s'appuyant sur l'explosion des cultures hors-sol de végétaux à pousse rapide et à multiplication aisée ne demandant
pas de savoir-faire particulier.
Maintenant que tout a poussé, on peut se faire idée de la pauvreté des espaces cultivés en terme de diversité variétale: on voulait des formes simples, régulières, solides,
géométriques... une nature définitivement maitrisée...
Il y avait jusqu'aux en-têtes des documents papiers et des publicités des petits marchands de cette période pour nous dire comment l'environnement de votre maison neuve devait être
pensé! En quelques traits de crayon et de compas surtout: les cercles, les demi-ronds, les paraboles... rien qui puisse ressembler à des irrégularités. Trois conifères: un rond, un fuselé et un
nain en parapluie, le tout entouré de petits rosiers bien taillés!
Vous vouliez un arbre, pas trop grand et pas trop envahissant, bien mené, bien rangé, sans taille et sans traitement particulier, eh bien après avoir éliminé le saule pleureur, trop
exigeant et dangereux pour les murs de votre maison, on vous collait soit un prunus rouge foncé, soit un mûrier sans mûres, soit le plus souvent un tilleul,
mais pas vraiment!
La variété commune devenue trop banale, trop vue, trop datée, trop...
L'envie de couper avec un passé trop "présent" et de tendre les bras à la modernité, tout cela favorisa la mise en place de ce
tilleul argenté si triste et si banal,
sans envergure mais si "nouveau"et si "dépaysant"...
Si facile à cultiver et si facile à vendre...
Adieu l'arbre de la grand-mère qui attirait les abeilles, vive le belâtre couleur de ciment!
C'est lui qu'on voit apparaître au-dessus de la haie...
A vrai dire cet après-midi là, je m'était arrêté sur le bord de la route juste pour photographier l'exemplaire suivant, un tilleul commun vieux de plusieurs centaines d'années sûrement,
aux branches parties un peu en tous sens et en pleine floraison...
Et c'est par la suite que j'entrepris de "clicheter" plusieurs autres exemplaires de ma connaissance, dont celui qui vient maintenant et qui servit pendant des années de lieu de résidence enfantine
aux deux fils de sa propriétaire.
C'est un très bel arbre, grand pour le genre, dans lequel ces deux garçons vivant seuls, sans amis ni amies mais pas sans parents, édifièrent une grande cabane à plusieurs mètres du sol(au moins
quatre) et dans laquelle je présume, ils purent se construire des souvenirs d'enfance inoubliables et même s'inventer des joies et des bonheurs que leur vie familiale ne leur permettait
pas.
Un bel arbre!
Et d'où qu'on se place, on le voit différent!
N'est-ce pas?
Tandis que par dessous ses habits, le charme est encore plus fort... plus insistant...
PS: Quand j'étais petit enfant je rêvais moi aussi d'une cabane, mais pas dans les airs... Je rêvais d'un trou, d'une caverne, d'un terrier que nous aurions creusé, moi et mes petits amis
rêvés... Mais je n'ai jamais connu ce bonheur! D'ailleurs j'étais bien seul à me creuser la tête pour trouver un tel exutoire à mes grandes tristesses...